Le professeur émerite de la KULeuven Han Verschure, président du jury Hera depuis l’édition 2013, et Mathilde Dumas, lauréate Sustainable Architecture 2016, nous font part de leurs opinions sur les enjeux actuels dans l’architecture durable.

Le rôle central de l’architecte
Mathilde Dumas met d’abord en avant le rôle crucial de la formation des architectes. "Si l’architecte ne réfléchit pas à avoir un impact faible sur l’environnement, c’est tout le processus qui est mal engagé". Et si elle considère avoir été bien formée sur les volets environnemental et social, elle juge que le volet économique des projets est insuffisamment abordé. "C’est très difficile de mettre en pratique le volet économique dans les prémisses des projets. Pourtant, je pense qu’en termes d’architecture, les trois dimensions sont importantes pour mener à bien un projet et pour qu’on puisse parler de développement durable."

Le quartier ou l’îlot plutôt que le bâtiment isolé
Parmi les responsabilités de l’architecte, Han Verschure souligne notamment la prise en compte de l’échelon supérieur: le quartier ou l’îlot, plutôt que le bâtiment ou les lotissements isolés en zones rurales ou suburbaines. "Il faut encourager la réflexion des architectes sur un aménagement du territoire. Les éléments urbanistiques, comme notamment la densité, la mobilité et les expériences de voisinage, qui ne se limitent guère à un logement, mais évaluent un groupement, un quartier, voir une ville entière, sont déterminants". Mathilde Dumas renchérit: "On parle de plus en plus de l’échelle communautaire, ce qui amène des questions fondamentales en termes de participation: dans un projet d’éco-quartier, comment intégrer les habitants et futurs habitants au processus? Comment intégrer une mixité sociale?"

L’ensemble du cycle de vie d’un bâtiment
Pour une considération plus globale de l’habitat, Han Verschure et Mathilde Dumas sont unanimes sur l’enjeu que représente l’étude du cycle de vie du bâtiment, ou Life Cycle Analysis (LCA). "Anticiper la démolition d’un bâtiment au moment de sa conception, ou comment il va terminer sa vie, c’est quelque chose qui est très peu abordé", remarque Mathilde Dumas. Han Verschure plaide même pour engager le principe « Cradle to Cradle ».

High- and Low-tech
Le professeur Han Verschure soulève un dernier enjeu fondamental à ses yeux : le questionnement des solutions techniques et l’apport du « low-tech ». "Il y a de fortes attentes liées aux nouvelles technologies, aux énergies renouvelables, et à ce qu’elles vont apporter comme solutions nouvelles en terme de durabilité. Mais la durabilité ne peut se limiter aux solutions de construction passive. Dans une considération technique poussée à l’extrême, l’habitat devient une capsule extraterrestre, qui enferme les habitants dans un système clos, avec interdiction d’ouvrir les fenêtres et sans ventilation naturelle : le tout contrôlé par un système domotique couteux, demandant un entretien fréquent, qui aboutit au « Sick Building Syndrome » !". Pour lui, cette conception extrême élude des éléments fondamentaux : les leçons qu'on peut tirer des méthodes traditionnelles et de notre patrimoine bâti, l’occupation et l’entretien des constructions, le mode de vie des habitants et leurs attitudes, leur sentiment de confort, leur situation économique fluctuante. Un champ de recherche encore insuffisamment exploité est celui du « low-tech » sous l’angle des changements climatiques futurs. Il cite les possibilités d’utiliser la ventilation naturelle, la capacité thermique, l’orientation, le design du bâtiment, le regroupement ou la densification des parcelles existantes, et ceci face aux différents scénarios climatiques futurs.

Plusieurs des thématiques abordées sont approfondies dans les mémoires primés au Master’s Thesis Award Sustainable Architecture. Pour en savoir plus, consultez les publications sur notre site web.

 

Qui sont Mathilde Dumas et Han Verschure ?

Mathilde Dumas

Mathilde Dumas est ingénieur architecte diplômée de l’Université de Liège et lauréate 2016 du Master Thesis Award Sustainable Architecture. Elle travaille aujourd’hui comme architecte – dessinatrice chez Patriarche.  "Avant de commencer à travailler, il faut être conscient des enjeux écologiques et de l’impact que peut avoir un architecte là-dessus. Evidemment, il y a l’enjeu économique qui prime dans la vie professionnelle, mais si on n’a pas été sensibilisé à l’école, on apportera une moins grande conscience au développement durable par la suite".
 

Han Verschure

 

Han Verschure est Professeur émérite du département Architecture, Urbanisme & Aménagement du Territoire à la KULeuven et Spécialiste en Etablissements Humains. Il préside les jurys du Master’s Thesis Award Sustainable Architecture depuis l’édition 2013.